Emploi des seniors : le poids persistant des discriminations

Rédigé le 20/12/2024

ENQUÊTE MENÉE PAR LE DÉFENSEUR DES DROITS EN PARTENARIAT AVEC L’OIT

Le Défenseur des droits a présenté son 17e Baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi. Consacrée spécifiquement à l’emploi des seniors, cette enquête révèle la persistance et l’impact des préjugés portés sur les travailleurs les plus expérimentés. Préjugés qui sont de véritables freins à leur maintien dans l’emploi. Préjugés parfois intériorisés par les seniors eux-mêmes.

Près d’un quart des seniors (23 %) déclarent avoir vécu une discrimination liée à leur âge : refus d’embauche, de promotion ou de formation, affectation à des tâches sous-valorisées, incitation à partir en retraite plus tôt que souhaité... Et autant parmi ceux qui sont au chômage affirment qu’on leur a déjà fait comprendre qu’ils étaient trop âgés pour le poste qu’ils convoitaient. Tels sont les résultats du 17e baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi. Menée par le Défenseur des droits en partenariat avec l’Organisation internationale du travail, cette enquête a été réalisée par internet auprès d’un échantillon représentatif de la population française, complété d’un échantillon d’individus actifs âgés de 45 à 65 ans (soit au total 2 284 individus).

Elle confirme la prégnance des préjugés à l’égard des travailleurs les plus expérimentés : ils seraient dépassés par les nouvelles technologies, auraient des difficultés à s’intégrer dans une équipe plus jeune, disposeraient d’une santé plus fragile et coûteraient cher aux entreprises, seraient moins performants... Ces idées sont fausses. Il faut que ceux qui souhaitent continuer à travailler puissent le faire dans des conditions décentes, s’insurge Dorothea Schmidt Klau, directrice de l’emploi, des marchés du travail et de la jeunesse à l’OIT. Les politiques actives pour l’emploi des travailleurs expérimentés ont montré qu’elles peuvent être plus efficaces que pour les jeunes. La majeure partie des personnes interrogées pour ce baromètre s’accordent heureusement à penser que les seniors sont davantage investis dans leur travail et plus efficaces.

Des discriminations qui se cumulent

L’enquête confirme par ailleurs le cumul des discriminations. Ainsi, les seniors racisés déclarent plus fréquemment subir des discriminations (43 %) que les autres (29 %). De même que les plus de 50 ans en mauvaise santé : ils sont 32 % à déclarer subir des discriminations dans l’emploi contre 17 % de ceux en bonne santé.

Côté réaction, le baromètre s’alarme d’un recours aux droits trop faible.  Un tiers des victimes de discrimination, tous âges confondus, n’ont rien dit à la suite des faits, souligne Marielle Chapuis, responsable des études auprès du Défenseur des droits. Soit parce qu’ils estiment que cela ne servirait à rien (43 %), soit parce qu’ils ne savaient pas quoi faire (36 %). 26 % craignaient aussi des représailles.

Les plus de 50 ans se tournent en revanche un peu plus volontiers vers les représentants du personnel ou un syndicat que la moyenne (22 % contre 17 %). Cyril Cosme directeur du bureau de l’OIT pour la France souligne pourtant que l’enquête  met en lumière le lien entre discriminations et mal/être voire souffrance au travail . Car ces discriminations ont des conséquences, quel que soit l’âge du travailleur concerné : 22 % ont par la suite démissionné ou négocié leur licenciement, 16 % des personnes concernées ont été licenciées ou leur contrat n’a pas été renouvelé. 71 % ont vu leur santé mentale se dégrader. Il y a une vraie souffrance pour un travailleur âgé à se retrouver en fin de droits, et beaucoup cachent leur situation, continuant d’inviter la famille au repas du dimanche.

L’enjeu crucial de l’emploi des seniors

Un an après la dernière réforme des retraites, la question de l’emploi des seniors reste brûlante d’actualité. Certes, entre 1992 et 2023, le taux d’emploi des 50-64 ans a fortement augmenté en France, passant de 44,2 % à 66,9 % – en comparaison, le taux d’emploi des 15-64 ans est de 73,6 %.  Il demeure cependant parmi les plus bas en Europe a commenté Frédéric Souillot, secrétaire général de FO lors de la table ronde organisée à l’occasion de la présentation du baromètre. Et ce taux d’emploi se détériore au fur et à mesure de l’avancée en âge. S’il est de 77 % entre 55 et 59 ans, il passe à 38,9 % entre 60 et 64 ans. Au moment de partir en retraite, en 2020, quelque 40 % des seniors n’étaient pas en emploi mais au chômage, aux minima sociaux ou en inaptitude/invalidité…

 Les pouvoirs publics ainsi que les employeurs et employeuses ont une responsabilité centrale en lien avec les organisations syndicales, a martelé Claire Hédon, la Défenseure des droits. Ils doivent se mobiliser, former leurs personnels, corriger leurs processes pour prévenir et corriger, les discriminations envers les seniors. Au cours de la table ronde qui a suivi la présentation des données du Baromètre, les organisations syndicales ont insisté sur la nécessité de mieux penser le travail.  Il faut anticiper sur toutes les étapes : entrée dans la vie active, prévention des risques et de la pénibilité, formations tout au long de la carrière, options de reconversion. Nous devons bousculer notre formatage pour penser l’ensemble de la carrière professionnelle comme un parcours.

20 décembre 2024
Sandra Déraillot
Journaliste à l’InFO militante