L’OIT publie la mise à jour des données sur la répartition entre les revenus du travail et ceux du capital. L’organisation s’intéresse à ces données depuis 2017. Son analyse montre que les premiers déclinent progressivement.
Le travail rapporterait-il de moins en moins ? L’OIT observe en tout cas que la part des revenus du travail dans le monde diminue progressivement par rapport aux revenus du capital. Le fruit du labeur des travailleurs représente actuellement 52,3 % du revenu mondial. En 2004 il était encore de 53,9 %. La diminution semble légère mais elle représente 2 400 milliards de dollars. Autant de ressources en moins pour la fiscalité et les systèmes de protection sociale.
Des différences selon les régions du monde
La baisse est lente mais la tendance est continue avec une accélération observée entre 2020 et 2022, durant la crise Covid. Toutes les régions ne sont pas affectées de la même façon. Ainsi, entre 2019 et 2024, l’Afrique et l’Amérique accusent une perte de 1,2 point de pourcentage. Les revenus du travail reculent de 0,2 point seulement pour l’Asie et le Pacifique. En Europe, ils ne reculent que d’un point grâce à un rebond en 2023 et 2024.
La productivité au travail augmente plus vite que les salaires
Ce rapport a été évoqué lors du sommet du L7 (le Labour 7, réunion des organisations syndicales des pays du G7), en marge du G7 Social (réunion des ministres du Travail et de l’Emploi des sept pays) les 10 et 11 septembre à Cagliari (Italie). Le plus inquiétant c’est le décrochement entre l’augmentation des salaires et celle de la productivité, souligne Branislav Rugani, secrétaire confédéral au secteur international. En effet les premiers ont augmenté de 53 % en vingt ans, alors que la productivité du travail a cru de 58 %. Cela veut dire que les entreprises, notamment celles cotées en bourse, s’enrichissent sur le dos des travailleurs et qu’il faut absolument réfléchir à une meilleure répartition de ces gains.
L’automatisation et l’IA en partie responsables
Selon l’OIT, le développement de l’automatisation et de l’intelligence artificielle est en partie responsable de cette situation. Céleste Drake, directrice générale adjointe de l’OIT, estime qu’il faut mettre en œuvre des politiques qui favorisent une répartition équitable des bénéfices économiques, incluant la liberté d’association, la négociation collective et une administration du travail efficace pour parvenir à une croissance inclusive et ouvrir la voie à un développement durable pour tous.
Plusieurs idées circulent. Taxer les machines en est une mais cela semble très difficile à mettre en œuvre, observe Branislav Rugani. Une autre option serait de faire payer l’usage des datas utilisées par les machines. Les entreprises monnayent déjà ces données numériques lorsqu’elles les échangent. Elles ont de la valeur et il faudrait repartager cette valeur avec les salariés. Car l’automatisation doit conduire à moins d’efforts ou de contraintes pour le travail humain, et non le remplacer.
Sandra Déraillot
Journaliste à L’InFO militante