Pour ne pas renouveler un contractuel, l’intérêt du service doit être prouvé


Certes, un agent public recruté en CDD ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l’administration ne peut légalement décider, au terme dudit contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l’agent un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l’intérêt du service. Mais encore faut-il que l’administration fasse la preuve de cet intérêt de service, vient d’indiquer le tribunal administratif de La Réunion.

Pour refuser de renouveler un contractuel, les administrations doivent justifier d'un réel motif tiré de l'intérêt du service. C'est ce que vient de rappeler le tribunal administratif de La Réunion dans un jugement du 27 décembre relatif au cas d’un contractuel qui avait été recruté par l’école Alpinas de la commune de Petite-Île à La Réunion comme accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) par plusieurs contrats à durée déterminée entre le 1ᵉʳ décembre 2016 et le 31 août 2022.

En mai 2022, son académie l'avait informé du non-renouvellement de son contrat à son terme, soit à la fin du mois d'août. Une décision contestée par ce contractuel qui avait demandé au tribunal l'annulation du non-renouvellement de son contrat ainsi que la condamnation de l'État à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis.

À l'appui de son recours, ce contractuel estimait que ce non-renouvellement était injustifié "dès lors que son travail et son investissement personnels sont reconnus par l'ensemble de l'équipe éducative avec laquelle il a travaillé".

Reproches de l'administration non étayés

Dans son jugement, le tribunal rappelle les règles relatives au renouvellement des contrats dans la fonction publique. Certes, expliquent les juges, un agent public qui a été recruté par un CDD "ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement".

"Toutefois", poursuivent-ils, "l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service". Et dans ce cas, un tel motif "s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent".

Dans l'affaire en question, le recteur de l'académie de La Réunion avait indiqué que le non-renouvellement du contrat du requérant était lié à ses retards et absences fréquents. Selon l'administration, il aurait aussi refusé d'être affecté dans les autres établissements du pôle inclusif d'accompagnement local dont il dépendait. L'académie pointait aussi son langage oral "parfois familier" et "incompatible avec ses fonctions d'aide aux élèves".

"Motifs étrangers à l'intérêt du service"

L'administration ne produit néanmoins "aucune pièce au soutien de ses allégations" et "notamment pas ses comptes rendus d'entretien professionnel qui, selon l'administration, feraient état de ces griefs". Le requérant, au contraire, a produit plusieurs courriers "particulièrement élogieux à l'égard de son travail". Des courriers adressés à l'académie de La Réunion par des parents d'élèves et des enseignants ayant travaillé avec lui et qui relatent, "de manière précise et circonstanciée", "ses compétences professionnelles et ses grandes qualités humaines et éducatives, son investissement dans l'accompagnement des enfants handicapés dont le comportement et les résultats se sont améliorés grâce à son aide et la relation de confiance qu'il a su instaurer avec eux".

Aussi, selon le tribunal administratif, l'administration n'apporte aucun élément "de fait" permettant d'établir la réalité des reproches et difficultés d'organisation qu'elle impute au requérant et, "partant", "la réalité du motif d'intérêt du service ayant présidé à la décision contestée". Pour les juges, le non-renouvellement de son contrat doit ainsi être regardé "comme ayant été décidé pour des motifs étrangers à l'intérêt du service". Le tribunal annule le non-renouvellement de ce CDD et enjoint au recteur de l'académie de La Réunion de réexaminer la situation du requérant dans un délai de deux mois.

9 janvier 2024
Bastien Scordia
pour ACTEURS PUBLICS