Un contractuel peut refuser de devenir fonctionnaire sans ce que cela ait un impact sur sa carrière


Le tribunal administratif de Strasbourg vient d’annuler le refus de renouvellement d’une contractuelle. Son employeur faisait notamment valoir qu’elle aurait refusé de s’inscrire à un concours pour devenir fonctionnaire et que cela démontrait “son manque d'implication dans son travail”. “Cela ne démontre en rien un désintérêt pour ses fonctions”, répondent les juges.

Les règles relatives à la gestion des contractuels sont connues : l’agent public recruté par contrat à durée déterminée (CDD) ne bénéficie d’aucun droit au renouvellement automatique de son contrat. L’administration, toutefois, ne peut légalement décider, au terme de ce contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l’intérêt du service. Faute de quoi, la décision de non-renouvellement peut être annulée par le juge. Preuve en est le jugement que vient de rendre le tribunal administratif de Strasbourg, par lequel il a annulé le refus de renouvellement d’une contractuelle à qui son employeur reprochait notamment de ne pas avoir passé un concours pour devenir fonctionnaire.

Les juges avaient été saisis par cette contractuelle, qui exerçait les fonctions d’agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem) au sein d’un syndicat intercommunal. Celle-ci contestait le non-renouvellement, par son employeur, de son dernier contrat arrivant à échéance le 21 octobre 2022. Aux yeux de la requérante, cette décision était entachée d’une erreur de droit au motif que le refus de renouvellement de son contrat n’était “pas fondé sur l’intérêt du service ni sur des considérations tenant à sa personne”. Les juges lui donnent aujourd’hui raison. 

Le motif tiré de l’intérêt du service, pour refuser le renouvellement d’un contrat, doit s’apprécier “au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l’agent”, rappelle en effet le tribunal administratif dans son jugement du 4 juin. Or ce ne fut pas le cas dans l’affaire en question, expliquent les juges. 

Pas de manquement aux obligations professionnelles

Pour décider de ne pas procéder au renouvellement du contrat de la requérante, son employeur s’était bel et bien fondé sur “les circonstances que son manque d’implication et son manque de rigueur seraient préjudiciables au service”. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des attestations rédigées par la directrice de son école et par des parents d’élèves que cette contractuelle a “fait preuve de professionnalisme”et “est appréciée tant par sa direction que par les parents d’élèves”. 

Certes, la requérante a “parfois refusé d'effectuer des heures complémentaires” mais celles-ci “lui avaient été demandées dans un délai contraint alors que d’autres engagements déjà pris l’empêchaient de se rendre disponible pour ces heures complémentaires”, relèvent les juges. Son employeur lui reprochait aussi, entre autres, “de transmettre avec retard ses fiches horaires permettant d’établir sa rémunération”. Ces événements, néanmoins, “n’ont été rencontrés que de manière très ponctuelle et ne peuvent constituer un manquement à ses obligations professionnelles”, expliquent les juges. 

Mais surtout, l’administration faisait valoir que la contractuelle avait “refusé de s’inscrire au concours d’Atsem” et que cela démontrait “son manque d’implication dans son travail”. “Quand bien même cette affirmation serait avérée, cela ne démontre en rien un désintérêt pour ses fonctions”, répond le tribunal. À ses yeux, la requérante était donc “fondée à soutenir qu’il n’est pas établi que la décision de non-renouvellement de son contrat a été prise dans l’intérêt du service”. Les juges annulent ainsi le refus de renouvellement de son contrat de travail et enjoignent à son employeur de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois.

13 juin 2024
Bastien Scordia 
pour ACTEURS PUBLICS