Agents : la protection fonctionnelle est étendue à l’audition libre


Dans une décision du 4 juillet, le Conseil constitutionnel a déclaré que l'impossibilité, pour un agent entendu en audition libre, de bénéficier de la protection fonctionnelle est contraire à la Constitution. 

Dans le cadre du recours d’un agent contre la décision de son employeur de ne pas lui accorder cette protection, le Conseil d’Etat avait, dans une décision du 26 avril, transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce sujet, et qui visait en particulier l’article L. 134-4 du code général de la fonction publique.

D’après cet article, le bénéfice de la protection fonctionnelle est ouvert non seulement aux agents publics faisant l’objet de poursuites pénales, c’est-à-dire à l’encontre desquels l’action publique a été mise en mouvement dans les conditions prévues à l’article 1er du code de procédure pénale, mais aussi aux agents publics entendus en qualité de témoin assisté, ou placés en garde à vue, ou qui se voient proposer une mesure de composition pénale.

Par contre, les agents entendus en audition libre (l’audition libre permet d’interroger une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction sans la mettre en garde à vue) ne peuvent pas bénéficier de cette protection fonctionnelle : pour le requérant, la différence de traitement ainsi instituée méconnaît le principe d’égalité devant la loi. Le 4 juillet, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision.

Gravité de la situation

Lors de l’audience publique, qui s’est tenue le 25 juin, le représentant du Premier ministre a plaidé que « l’audition libre est un acte d’investigation, sans contrainte, antérieure à toute poursuite pénale, qui place la personne qui en fait l’objet dans une situation objectivement différente de celle des agents placés en garde à vue, qui ont la qualité de témoin assisté, ou auxquels une composition pénale a été proposée ». Ainsi, souligne-t-il, « l’ensemble de ces différences de situation est en lien direct avec l’objet de la loi par laquelle la collectivité publique accorde sa protection aux fonctionnaires ».

Il a alors expliqué que la gravité de la situation dans laquelle est placé le fonctionnaire est le paramètre essentiel permettant de déterminer si la protection fonctionnelle doit lui être accordée. L’audition libre ne fait pas partie de ces situations graves.

Mise en cause pénale

Les Sages, dans leur décision, n’ont pas partagé ce point de vue. Pour expliquer leur raisonnement, ils ont repris les travaux préparatoires de la loi du 20 avril 2016, qui est à l’origine des dispositions contestées : « En les adoptant, le législateur a entendu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics mis en cause pénalement, y compris lorsqu’ils ne font pas l’objet de poursuites pénales, dans tous les cas où leur est reconnu le droit à l’assistance d’un avocat ».

Qu’en est-il dans le cas d’une audition libre ? L’article 61-1 du code de procédure pénale prévoit bien que la personne entendue librement a le droit d’être assistée, au cours de son audition ou de sa confrontation, par un avocat si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

Les dispositions contestées dans cette QPC impliquent donc bien une différence de traitement qui est sans rapport avec l’objet de la loi. Conclusion : le principe d’égalité devant la loi est méconnu, et ces dispositions sont déclarées contraires à la Constitution.

Conséquences manifestement excessives

Cependant, la date d’abrogation des dispositions de l’article L. 134-4 du code général de la fonction publique est reportée au 1er juillet 2025, car une « abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de priver du bénéfice de la protection fonctionnelle les agents publics entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou qui se voient proposer une mesure de composition pénale ».

Par contre, les Sages insistent sur la nécessité de faire cesser tout de suite cette inconstitutionnalité, dès la publication de leur décision. Donc, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, la collectivité publique est tenue d’accorder sa protection à l’agent public entendu sous le régime de l’audition libre à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions.

RÉFÉRENCES

 

4 juillet 2024

source La Gazette des Communes