Mettre en avant son statut de fonctionnaire ne suffit pas pour contester un changement d’affectation


Le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion vient de rejeter le recours d’un fonctionnaire qui contestait son changement temporaire d’affectation. Selon le requérant, cette décision aurait eu des “conséquences manifestes sur son statut de fonctionnaire territorial”. Un argument rejeté par le juge.

Un fonctionnaire qui réclame la suspension d'une décision en référé doit justifier d'une véritable “condition d'urgence”, sans quoi son recours ne peut pas être accueilli favorablement par le juge. C'est ce que vient de rappeler le tribunal administratif de La Réunion dans une ordonnance du 14 juin à propos du cas d'un fonctionnaire qui contestait son changement d'affectation.

Celui-ci avait en effet demandé au juge des référés de suspendre la décision par laquelle le président de la Communauté intercommunale Réunion Est (Cirest) avait temporairement changé son affectation pour l'affecter à la direction “Eau assainissement Gemapi” en qualité de “technicien suivi exploitation”. Il réclamait à son employeur de le réaffecter sur son précédent emploi de responsable du pôle “Service public d'assainissement non collectif” (Spanc). 

Aux yeux de ce requérant, la condition d'urgence était bel et bien remplie, en raison des “incidences manifestes sur son statut de fonctionnaire territorial” de la décision de changement d’affectation.Il décrivait cette décision comme une “mesure d'ordre intérieur qui lui fait grief dès lors qu'elle emporte une rétrogradation et une perte de responsabilité”. Le juge n'en a pas eu la même lecture. 

Pas de privation de rémunération ni de statut 

La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension en référé doit en effet “être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre”, est-il écrit dans l'ordonnance du tribunal. Dans ce cas, lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à la suspension d'une décision, il appartient donc au juge des référés “d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue”. 

Dans l'affaire en question, pour justifier l'urgence à suspendre son changement temporaire d'affectation, le fonctionnaire requérant se bornait seulement à soutenir, et ce “de manière évasive”, que cette décision lui portait préjudice en raison “des incidences manifestes sur son statut de fonctionnaire territorial”. Toutefois, explique le tribunal, cette décision de réaffectation temporaire avait “pour objectif de régler provisoirement la question du conflit d'intérêts que pose sa situation familiale dans l'attente d'une réaffectation plus pérenne”. Aussi, poursuit-il, ce changement temporaire d'affectation “ne le prive pas de sa rémunération ni de son statut”. 

“Par suite, conclut le tribunal, le requérant, qui ne se prévaut d'aucune autre circonstance particulière, (…) n'établit pas que la décision attaquée porterait atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à ses intérêts ou à ceux qu'il entend défendre et rendrait ainsi nécessaire l'intervention du juge des référés avant que ne soit jugée sa requête au fond.” D'où le rejet de sa requête en référé, avant que la justice ne traite “au fond” son recours contre son changement d'affectation.

17 juin 2024
Bastien Scordia 
pour ACTEURS PUBLICS