Dominique Faure : « Les policiers municipaux pourront avoir des pouvoirs de police judiciaire »

Rédigé le 21/05/2024

À l'occasion de la deuxième réunion du Beauvau des polices municipales, le 16 mai à Paris, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, a répondu aux questions de La Gazette.

Elle défend sa proposition de renforcer les compétences judiciaires des policiers municipaux et soutient la création d'une école nationale de police municipale.

Quel avenir pour les polices municipales ? Sous l’impulsion du gouvernement, une centaine d’élus et de professionnels ont planché le 16 mai à Paris à l’occasion de la seconde séquence du Beauvau de la police municipale. Au programme : le renforcement des prérogatives judiciaires, les besoins de recrutement et de formation mais aussi le volet social. La ministre déléguée en charge des Collectivités locales et de la Ruralité, Dominique Faure, a répondu à nos questions.

Le Beauvau des polices municipales s’est d’ores et déjà réuni à deux reprises. Mesure phare de vos propositions :  le renforcement des compétences judiciaires. Les policiers municipaux vont-ils se transformer en officier de police judiciaire (OPJ) ?

Les policiers municipaux pourront avoir des pouvoirs de police judiciaire. A la suite des concertations sur les violences urbaines, de nombreux acteurs ont souhaité que leurs prérogatives soient étendues. Prenons l’exemple des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) qui permettent de punir des petits délits sans passer par le tribunal. Cette sanction a du sens pour les policiers qui la délivrent. Je suis convaincue qu’elle en aurait pour les maires.

Autre exemple : aujourd’hui, lorsqu’une voiture stationne depuis plusieurs semaines sur une même place, les policiers municipaux ne peuvent pas contrôler directement l’identité du propriétaire. Voilà des prérogatives nouvelles que nous discutons dans le cadre du Beauvau des polices municipales.

Le Conseil constitutionnel a toujours censuré les dispositions visant à revoir à la hausse la compétence judiciaire des policiers municipaux. Comment allez-vous procéder ?

La difficulté est de trouver une écriture juridique pour répondre aux aspirations exprimées par des maires comme le maire de Nice, Christian Estrosi, le maire de Cannes, David Lisnard, ou encore le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc et d’autres. Ils nous demandent que leurs agents puissent dans certaines situations, comme lors des émeutes de l’été 2023, et pour un temps et des circonstances donnés, basculer sous le contrôle du procureur pour agir.

La complexité c’est d’écrire précisément ce texte. Il ne faut en aucun cas que les policiers municipaux puissent être assimilés à des OPJ de plein exercice, ce qui risquerait les éloigner de leurs missions sur la voie publique. Et surtout, cette disposition restera facultative. 

Cette extension des prérogatives divise fortement les maires.  Certains craignent la perte de la spécificité des PM, leur proximité avec la population, notamment. Que leur répondez-vous ?

Je fais confiance à l’intelligence collective et à la discussion avec les maires. Avançons ! A partir du moment où il y a une volonté partagée d’aller de l’avant, je suis convaincue que les maires vont s’accorder sur l’écriture d’un texte qui soit claire. Donnons-nous les moyens de protéger les habitants et les policiers municipaux comme les élus le souhaitent ! La violence qui monte dans notre société demande de l’action.

Et je le dis : le maire qui ne voudra pas aller sur ce terrain n’y sera aucunement forcé. De la même manière que les maires peuvent décider ou pas de l’armement de leurs polices municipales, ils décideront eux-mêmes sous l’égide du conseil municipal. Mais donnons les moyens d’agir à ceux qui le veulent !

Les maires craignent depuis longtemps que leur recrutement de policiers municipaux et leur investissement dans la sécurité ne se traduisent par un retrait des forces de l’Etat. Les entendez-vous ?

Un certain nombre de voix accuse toujours l’Etat de se débiner. Je ne comprends pas sur quel fondement ces élus s’appuient. La réalité est que la loi d’orientation et de programmation de 2023 a multiplié par 1,5 le budget de la sécurité (15 milliards d’euros d’ici 2027). Nos forces de police ne cessent d’augmenter avec le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes sous le précédent quinquennat et de 8500 agents supplémentaires d’ici 2027. Le président de la République et le Premier ministre se sont engagés à doubler la présence sur la voie publique de forces de l’ordre d’ici à 2030.

Ceci dit, je me félicite que les maires augmentent leur effectif de police municipale pour participer activement au continuum de sécurité au côté de la police et de la gendarmerie nationales.

Le ministre de l’Intérieur a proposé à plusieurs reprises de créer une école nationale de police municipale. Proposition qui a fait grincer des dents l’exécutif du CNFPT. Y êtes-vous favorable ?

C’est en effet une option qui est sur la table et j’ai soumis à Gérald Darmanin une proposition qui se situe à mi-chemin, afin de préserver le savoir-faire du CNFPT. Ma proposition est qu’une école nationale de police municipale vienne s’appuyer sur les quatre centres de formation que le CNFPT est en train de déployer en région. Il ne s’agirait pas de les remplacer mais de s’ancrer sur l’existant. La préoccupation du ministre de l’Intérieur est de mieux comprendre ce qui se passe dans les formations des policiers municipaux. D’où la nécessité de nous rapprocher du CNFPT et de mieux travailler ensemble. Je rencontrerai prochainement le nouveau président du CNFPT, Yohann Nédélec, pour lui exposer ce projet que j’avais évoqué avec son prédécesseur, François Deluga.

Le volet social est très attendu par les PM. Vous avez obtenu un accord sur la refonte du régime indemnitaire. Quid de leur retraite, revendication prioritaire des organisations syndicales ?

En 2023, j’ai mené les discussions sur la revalorisation indiciaire puis en effet sur la refonte du régime indemnitaire. J’en suis très satisfaite car c’est un sujet difficile de concilier les demandes légitimes des agents et les contraintes des maires employeurs. C’est maintenant derrière nous. 

Sur la retraite, chacun doit avoir en tête la situation des finances publiques. Il n’en reste pas moins que les policiers municipaux ont le droit à une retraite décente. J’y suis attachée. Quand j’entends qu’un agent, après une quarantaine d’année d’activités à assurer la sécurité des personnes, touche une pension de moins de 1 500 euros, je suis motivée pour y travailler. Le sujet est inscrit au programme du Beauvau des polices municipales.

Quel est le calendrier du Beauvau des polices municipales ?

Nous partirons le 27 mai à La Grande Motte en préambule du salon des polices municipales en Occitanie qui ouvre le 29. Nous prévoyons un événement à la rentrée dans la région lyonnaise et un autre sans doute en octobre.

L’objectif est de faire une synthèse de l’ensemble des échanges avec les élus et les professionnels en vue d’une conclusion que nous soumettrons avant la fin de l’année à Gérald Darmanin. La feuille de route comportera une série de mesures législatives et réglementaires. Il faut aller vite.

Concernant les mesures législatives, qui prennent plus de temps, je rappelle l’excellent rapport des députés Alexandre Vincendet et Lionel Royer-Perreault qui seraient totalement légitimes à porter un texte de loi.

21 mai 2024
La Gazette des Communes