L'index égalité professionnelle se profile dans les collectivités

26 avril 2024

L'index "Pénicaud", qui répond à l'objectif de réduction des écarts salariaux entre les femmes et les hommes, va faire prochainement son apparition dans les collectivités. Deux projets de décrets que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale a examinés ce 24 avril fixent les modalités de l'outil. Ce dernier ne fait pas l'unanimité, notamment parce qu'il serait complexe à établir. 

Cinq ans après le début de son déploiement dans le secteur privé, l'index de l'égalité professionnelle (dit "index Pénicaud"), qui vise à supprimer les écarts salariaux entre les femmes et les hommes, s'appliquera prochainement dans la fonction publique territoriale. La loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique (voir notre article sur les mesures de ce texte) prévoit qu'il entrera en vigueur dans le secteur public local "au plus tard le 30 septembre 2024". L'outil concernera les plus grandes structures, à savoir le Centre national de la fonction publique territoriale et les régions, les départements, ainsi que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 40.000 habitants et gérant au moins 50 agents permanents.

L'index s'appliquera en prenant en compte un certain nombre de spécificités de la fonction publique territoriale. Mais, dans ses grands principes, il s'inspirera de celui qui a déjà été mis en œuvre dans le secteur privé, et surtout de celui qui a été mis en place par deux décrets de décembre 2023 pour la fonction publique de l'État. C'est ce qui ressort de deux projets de décrets que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a examinés ce 24 avril.

Ecarts de rémunération moyenne

Selon ces projets de textes, l'index sera fondé sur quatre indicateurs permettant de renseigner un barème de 100 points. Le principal indicateur mesurera l'écart global de rémunération moyenne entre les femmes et les hommes, au sein de filières et catégories hiérarchiques équivalentes. En enregistrant une différence inférieure ou égale à 0,1%, une collectivité se verra attribuer 50 points. Mais tout écart plus important se traduira par une perte de points. Le score devenant nul, lorsque la différence de rémunération moyenne entre hommes et femmes sera supérieure à 30,1%. L'écart de rémunération moyenne sera à définir sur les mêmes bases - mais avec une pondération limitée à 15 points - pour les contractuels recrutés sur emploi permanent. Ensuite, devront être définis l'écart de taux d’avancement de grade entre les femmes et les hommes (25 points) et le nombre d’agents publics du sexe sous-représenté parmi les dix agents publics ayant perçu les plus hautes rémunérations (10 points).

Les collectivités pourront, si leurs effectifs ne sont pas suffisants, définir un index à partir de 2 ou 3 indicateurs, selon des règles définies par l'un des projets de décrets.

Au plus tard le 30 septembre de chaque année, elles devront publier sur leur site internet - sous peine de sanction - leur index et les actions mises en oeuvre pour supprimer les écarts de rémunération.

Minimum de 75 points sur 100

Une collectivité qui obtiendra un score inférieur à 75 points devra fixer et publier "des objectifs de progression" de chacun des indicateurs sur lesquels repose l'index. L'employeur disposera d'un délai de trois ans pour atteindre cette cible. Si au terme de ce délai, il ne sera pas parvenu à redresser la barre, il se verra appliquer une pénalité financière fixée entre 0,1% et 1% de la rémunération brute annuelle globale de l'ensemble des personnels (cette dernière correspondant à un score de moins de 40 points). En sachant que le préfet pourra réduire le montant de la pénalité de moitié, au regard notamment des "circonstances en raison desquelles la cible n'a pas été atteinte".

Le conseil supérieur a émis un avis globalement favorable sur les deux projets de décrets, mais côté syndicats, seuls 6 représentants sur 20 ont voté pour – les autres choisissant l'abstention ou le vote contre. Et parmi les membres ayant soutenu les projets de textes, on ne déborde pas d'enthousiasme. C'est le cas à Force ouvrière.

"On peut s'interroger sur la capacité d'un certain nombre de collectivités à produire l'index, qui est complexe",pointe Gisèle Le Marec, représentante du syndicat FO. Elle regrette également que les pénalités versées par les mauvais élèves doivent abonder le budget de l'Etat, au lieu d'être "fléchées" vers des actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique territoriale.

Formation obligatoire : souplesse sur les délais

Mesurer des écarts de rémunération et sanctionner les employeurs où ils sont trop importants : ce n'est pas suffisant, critique de son côté Marie Mennella, secrétaire nationale d'Interco-CFDT. Le syndicat s'est abstenu sur le projet de décret "index" et a voté contre celui qui définit son mode de calcul. "Il faut surtout agir avec des plans d'action", plaide la responsable syndicale. La CGT n'est pas non plus satisfaite : elle regrette que les projets de décrets "ne soient pas davantage fermes et contraignants".

Au cours de la même séance, le CSFPT a approuvé un projet de décret permettant à des fonctionnaires qui n'ont pas suivi une ou des formations obligatoires dans les délais prescrits, de la ou les valider quand même, avec retard. L'enjeu n'est pas mince, car sans un tel dispositif, les fonctionnaires concernés ne sont plus éligibles à la promotion interne. Certains centres de gestion avaient déjà adopté une attitude de souplesse à l'égard des agents concernés : leurs pratiques sont ainsi sécurisées juridiquement par ce texte, se félicite Marie Mennella.

Notons, enfin, que le CSFPT a émis un avis défavorable sur un projet de décret déterminant les règles du transfert de certains agents de l'État aux départements et métropoles qui se sont portés volontaires pour récupérer une partie du réseau routier national, dans le cadre de la loi "3DS" de février 2022. Les représentants syndicaux ont unanimement voté contre le projet de décret. Ce dernier avait déjà connu ce sort lors de la précédente réunion du CSFPT, fin mars (voir notre article).

25 avril 2024
Thomas Beurey 
pour LOCALTIS