JOP de Paris 2024 : impacts pour les politiques sportives territoriales...
07 août 2024
Bien que difficiles à évaluer précisément, des retombées économiques matérielles sont attendues par les territoires qui accueillent les Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024. Pour tous les autres, c'est sur le plan immatériel que les impacts seront potentiellement les plus importants, grâce à la déclinaison locale de programmes olympiques valorisant les bienfaits du sport :
- Semaine Olympique et Paralympique chaque année dans les établissements scolaires du territoire ;
- programmes santé et sport ;
- programmes d’accompagnement pour des personnes éloignées de la pratique sportive ;
- programmes favorisant le changement de regard sur le handicap…
Intégrer les enjeux sociétaux
Les collectivités locales ont pu voir dans ces programmes locaux un encouragement à intégrer elles aussi plus fortement les enjeux sociétaux dans leurs propres politiques sportives.
A commencer par le développement de la pratique d’activités physiques et sportives (APS) pour le plus grand nombre, décrété grande cause nationale de l’année 2024. Plus globalement, cette vision du sport comme vecteur d’éducation, d’égalité, d’inclusion, d’insertion professionnelle… incite aussi à en faire un levier pour transformer la société. Une société plus inclusive, égalitaire, écologique… En deux mots, plus durable. "Ces jeux, résume Emmanuel BAYLE professeur à l'Université de Lausanne et ancien directeur de l'Institut des Sciences du Sport (ISSUL), pourraient infléchir les lignes des politiques sportives en faisant des activités physiques et sportives un levier pour répondre aux défis de la société de demain."
BESOIN D'UNE PRISE DE CONSCIENCE ?
Au moment où la candidature de Paris à l'organisation des Jeux a été retenue, se fixer replacer les APS au centre des politiques sportives territoriales semblait particulièrement opportun. Un rapport de France Stratégie datant de 2018, évoquait comme un "enjeu crucial" la prise de conscience des élus de la "nécessité d’intégrer l’enjeu de la pratique d’activité physique et sportive pour le plus grand nombre comme une dimension transversale des politiques menées et de penser également l’aménagement du territoire sous l’angle de l’incitation à la pratique." En effet, les collectivités et le bloc communal – principal instigateur des politiques sportives au premier chef – étaient alors encore trop souvent focalisés sur la compétition et le soutien au clubs sportifs.
Pour Vincent Saulnier, Secrétaire Général de l'ANDES (Association nationale des élus du sport) et Maire délégué de Château-Gontier Bazouges (53), cette vision est à nuancer. "Depuis une vingtaine d'années, les choses sont en train de changer. Les élus prennent conscience que les pratiques sportives s’effectuent majoritairement de manière autonome et se font hors club, notamment dans le champ des loisirs sportifs marchands (salles de sport, club fitness). Leur vision des pratiques embrasse dorénavant davantage le sport nature, bien-être, santé ou plaisir dans une approche loisir et adaptée aux âges et handicaps…"
Si cette évolution se constate aujourd'hui dans bien des politiques sportives locales, en particulier dans les grandes villes et les métropoles, on ne peut toutefois affirmer qu'elle concerne tous les territoires. Une raison suffit à le comprendre : le sport reste un domaine de compétence partagé par les différents échelons territoriaux. Chacun s'en empare donc en fonction de la volonté des élus mais aussi des moyens techniques, financiers et humains de la collectivité. Pour agir, le cas échéant, en priorité sur ses thématiques transversales de prédilection : santé, inclusion, insertion, handicap, parité ou l'environnement. Toutes ou…certaines, avec pour résultat une grande hétérogénéité dans les contenus des politiques sportives territoriales.
DE NOUVELLES COOPÉRATIONS GRÂCE AUX JOP
A cet égard, les JOP avec leur volonté centrale d'amorcer de nouvelles coopérations entre collectivités et le mouvement sportif autour de sujets d'enjeux de santé, de handicap, d'inclusion… ont pu jouer un rôle déclencheur ou amplificateur bienvenu.
Plusieurs dispositifs proposés aux acteurs locaux ont, en tous cas, été pensés dans ce but :
-
Le label de « Terre de Jeux » pour permettre aux collectivités de « marketer » les actions de toute envergure élargissant les politiques sportives et respectant le triptyque "engagement, célébration, héritage".
-
Le Fonds de dotation Paris 2024 pour financer et accompagner des projets d'intérêt général portés par des collectivités utilisant le sport à des fins d’impact social et environnemental dans des projets plutôt collectifs, à destination des publics éloignés ou en situation de fragilité et dans un territoire carencé.
-
Les Olympiades culturelles pour donner de la visibilité aux initiatives artistiques et culturelles pluridisciplinaires permettant de tisser des liens entre l’art et le sport.
D'après les chiffres officiels, environ 4 500 acteurs ont été labellisés Terre de Jeux (TDJ) – porte d'accès aux autres dispositifs - parmi lesquels des communes, des métropoles et des interco dans tous les territoires. De nombreuses actions d'envergure diverses ont été lancées et l'ANDES en a d'ailleurs fait le recueil dans ses guides des initiatives locales Terre de Jeux.
Chiffres
1 100 projets soutenus par le fonds de dotation pour 4.5 millions de bénéficiaires
2 437 projets labélisés ou en cours de labélisation Olympiades culturelles et 79 % d'événements gratuits.
UN EFFET PLUS QUALITATIF QUE QUANTITATIF
Quel résultat peut-on escompter de ce foisonnement d'initiatives ? Raisonnablement, sans doute moins un changement radical et durable au-delà de l'événement lui-même qu'une légère évolution des lignes. "Les JOP ne vont pas résoudre toutes les fractures sociales, ils peuvent en revanche inspirer une autre manière de travailler ensemble autrement par la coordination de politiques plus partenariales et de financement multiniveaux/multisectorielles, " confirme ainsi Emmanuel BAYLE.
A regarder les acteurs labélisés TDJ, on constate que sur les 4 500 collectivités recensées, un peu moins de 4 400 sont des communes et des intercommunalités, 19 sont des régions et 97 des départements. Autrement dit, les régions et, surtout, les départements ont plutôt massivement adhéré à la démarche. Ces nouvelles coopérations correspondant sans doute à un rôle de coordination et d'animation partenariale qu'ils pourraient donner à leur politique sportive. Jouer ce rôle dans le cadre des divers comités de sécurité ou d'engagement au cœur des dispositifs olympiques aura eu le mérite de confirmer cette intention pour certain et donc de prendre plus de responsabilités au sein des projets sportif territoriaux (PST). Rappelons que ces PST, mis en place par les conférences régionales du sport en 2020, visent précisément à inciter les différents échelons territoriaux à collaborer avec le mouvement sportif et les acteurs économiques et sociaux pour mener des politiques réduisant les inégalités d'accès à la pratiques sportives dans les territoires carencés, développant le sport santé et ou la citoyenneté…
FAIRE LE POINT SUR LES COMPÉTENCES UTILES ET NÉCESSAIRES
Ces coopérations inédites permettront aussi de comprendre, in vivo, quelles compétences sont utiles ou nécessaires pour contribuer à ces projets partenariaux, intersectoriels et interterritoriaux. Travailler entre agents de différents services et entre collectivités sur des projets croisant les financements appelle de nouveaux savoir-faire et de nouvelles postures professionnelles. Au-delà de la conduite de projet, c'est la très grande variété des métiers territoriaux du sport qui est concernée par des enjeux de spécialisation et de montée en compétences. Comment penser citoyenneté, santé et inclusion quand on est éducateur sportif ? Comment intégrer les contraintes environnementales quand on gère des équipements sportifs : le zéro phyto pour les terrains extérieurs, la gestion de l'eau pour les bassins, les enjeux thermiques sur le bâtimentaire… Autant de questions auxquelles il faudra répondre, sans attendre les prochaines olympiades.
Un nouveau label qui prolonge les logiques de coopérations
Après le label « Terre de Jeux », la candidature au label « Ville Active et Sportive », portée par l’ANDES, constitue une nouvelle étape intéressante de promotion et de valorisation des politiques sportives communales. Un effet d’accélération est d’ailleurs constaté, pour ce label parrainé par le Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et l’Agence Nationale du Sport.
Pour en savoir plus, consultez le DOSSIER dans la Médiathèque du site Web du CNFPT en cliquant ICI