Après l’annonce sur le gaz, celle sur l’électricité. L’exécutif qui explique mettre en œuvre concrètement la fin du quoi qu’il en coûte, notamment via l’abandon progressif du bouclier tarifaire sur ces deux énergies, place de fait 2024 sous le signe d’un alourdissement certain des factures. Au 1er février, par la hausse de la taxe sur la consommation électrique, la TIFCE, les factures sur cette énergie vont grimper : de 8,6% à 9,8% et dans certains cas plus de 10%. L’impact est sévère pour ménages.
Au 1er février, la facture l’électricité – environ 20 millions de ménages abonnés – va augmenter, selon les types de contrats, de 8,6% (pour le tarif bleu) ou de 9,8% (contrat heures pleines/heures creuses). Et même de 10,1% (pour les contrats effacement jour de pointe, soit les ménages qui se sont engagés à réduire leur consommation…, en cas de pic général de consommation, par temps froid notamment). En résumé, depuis 2022, les factures d’électricité, dépenses contraintes s’il en est, ont gonflé : autour de 44%.
Or, si l’on considère les prix de l’électricité, en baisse, sur les marchés, les factures de ce début 2024 auraient dû au pire rester stables, au mieux diminuer un peu. Mais, il y aura une hausse, avant la prochaine programmée pour février 2025.
Cette hausse qui entrera en vigueur en février est due à la décision de l’exécutif d’augmenter l’accise sur l’électricité, soit la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité/TIFCE, qui avait été abaissée en décembre 2021 (à 0,5 euro par mégawattheure pour les entreprises et à 1 euro/MWh pour les particuliers), dans le but de contrecarrer la flambée des prix. La TIFCE, basée sur la consommation, va donc augmenter de 1 à 21 euros par mégawattheure. Et elle augmentera donc encore en 2025 pour retrouver le niveau qu’elle avait avant la mise en place du bouclier tarifaire, soit 32,44 euros.
Pour les ménages, cette hausse à venir en février signifie une facture totale d’électricité qui grimpe d’environ 100 euros par an. En moyenne… Cela peut être le double, voire bien plus selon le type d’habitation, l’isolation...
Energie : Les ménages se serrent déjà la ceinture
A noter que les ménages, selon les dernières statistiques livrées par RTE (réseau électrique), ont réduit leur consommation d’électricité. En tenant compte du paramètre météo et en comparant cette consommation aux deux derniers mois de l’année sur les périodes 2014-2019, il apparait que les ménages ont réduit leur consommation de 7% à 8% sur les mois de novembre et décembre 2023. Une tendance notable depuis 2022. Explication de RTE : Cela résulte à la fois de la poursuite des économies d’énergie, des effets du contexte économique marqué par l’inflation [4,9% sur un an en décembre, Ndlr] et des prix élevés de l’énergie.
Dit autrement : les ménages dont le pouvoir d’achat est à la peine, se serrent la ceinture (la consommation des ménages a baissé de 1,1% sur un an, en novembre 2023), pour tenter de réduire la portée de cette dépense contrainte. La consommation en énergie, principalement en gaz et électricité, a augmenté de 1,4% en novembre, début de la froidure de l’hiver, contre -3% en octobre.
Pour les entreprises, l’impact de la TIFCE sera moins forte prévoit le gouvernement : de 5,2% à 8%. Par ailleurs, malgré la hausse de la taxe, la plupart des entreprises verront leur prix de l’électricité baisser en 2024 par rapport à 2023 indique le ministère de l’Economie. Cela est dû aux types de contrats des entreprises. A noter encore que le gouvernement a prévu, pour les entreprises qui auraient été les plus impactées par la hausse du fait de leur type de contrat, de poursuivre le système d’aides. Coût de la mesure : 800 millions d’euros en 2024.
Pour une recette fiscale de six milliards d’euros
Plus largement, par les différentes décisions récentes concernant les énergies, l’électricité enregistre une taxation plus forte que celle du gaz, y compris avec la hausse enregistrée en janvier sur la taxe TICGN. Et par ailleurs, beaucoup d’observateurs s’interrogent sur la pertinence de rehausser la taxe sur l’électricité, alors qu’au nom de la transition écologique, les ménages sont par exemple incités à passer aux véhicules verts, électriques.
La mesure d’augmentation de l’accise sur l’électricité était prévue par la loi de finances pour 2024, adoptée en décembre dernier à coups de 49.3, donc sans vote et sans débat. Restait au gouvernement à décider du niveau de la hausse de la TIFCE au 1er février. Le scénario choisi – qui prétend à une hausse « contenue » à moins de 10%, ce qui ne sera pas le cas pour 400 000 foyers – induira une recette fiscale brute de six milliards d’euros pour l’État a prévu Bercy. La remontée à 32,44 euros – qui aura donc lieu l’an prochain – aurait généré neuf milliards d’euros.
Toujours au nom de la réduction des dépenses publiques…
Acter l’augmentation de la TIFCE, C’est une décision difficile, mais c’est une décision qui est nécessaire pour garantir notre capacité d’investissement dans de nouvelles capacités de production électrique et puis pour sortir définitivement du quoi qu’il en coûte a déclaré le 21 janvier le ministre de l’Economie et des Finances et de l’Energie, Bruno Le Maire. Et de préciser qu’une très grosse partie [de la recette engrangée par la hausse de la TIFCE, Ndlr] servira à financer les énergies renouvelables, mais aussi le chèque énergie, ou encore le programme nucléaire d’EPR. Et indiquait le ministre, par la hausse de la TIFCE je ne fais qu’éviter de creuser davantage la dette et le déficit.
La loi de finances pour 2024 vise à diminuer les dépenses publiques de 16 milliards d’euros. Et le gouvernement vise déjà une baisse des dépenses publiques de douze milliards d’euros en 2025. L’objectif est de ramener au pas de course le déficit public (État, collectivité territoriale, sécurité sociale) à 2,7% du PIB en 2027 (contre 4,4% projeté en 2024), ainsi que le prévoit le pacte de stabilité et de croissance décidé dans l’Union européenne. Y compris la nouvelle mouture adoptée en décembre dernier.
Frédéric Souillot : La facture, on ne peut pas la présenter aux mêmes tout le temps !
Le 23 janvier interviewé par Boursorama, le secrétaire général de la Confédération rappelait que FO demandait le maintien du bouclier tarifaire sur l’énergie. Et de poursuivre. C’est un peu schizophrénique de nous expliquer qu’il va y avoir une hausse [des factures d’énergie, Ndlr] et en même temps de prôner la voiture électrique et l’électricité partout et pour tout !
Par ailleurs ceux qui vont prendre la plus grosse hausse de facture, c’est ceux qui ont suivi les politiques publiques qui disaient passez au tout électricité. Et on culpabilise ceux qui ne sont pas passer au tout électrique et qui mettraient en danger la planète ?! Il ne faut pas que l’on ait ce débat entre la fin du monde ou la fin du mois. Il faut une transition écologie/énergétique juste. La facture, on ne peut pas la présenter aux mêmes tout le temps ! Si l’on ajoute, entre autres, le doublement des franchises [sur les médicaments, prévu en mars, Ndlr] cela fait beaucoup.
Quant à la question portant sur la nécessité d’un retour à une trajectoire budgétaire un peu plus saine en vue du respect du Pacte de stabilité européen, le secrétaire général de FO rappelait la nécessité qu’il y aurait à activer la conditionnalité des aides publiques aux entreprises. Autour de 160 milliards d’euros par an dont près de la moitié en exonérations de cotisations patronales.
29 janvier 2024
Valérie Forgeront
Journaliste à l'InFO militante