Ce 16 mars, le gouvernement a opté à l’Assemblée nationale pour un 49.3 pour l’adoption, sans vote et sans débat de son projet de réforme sur les retraites, cependant rejeté à une large majorité par la population et par la quasi-totalité des travailleurs. Mais malgré ce coup de force dans un nième usage par le gouvernement d’outils constitutionnels permettant de cadenasser les débats parlementaires sur cette réforme, la lutte contre celle-ci n’est pas terminée. Ce que prouve la mobilisation qui se poursuit et qui va se poursuivre ont déclaré ce jour les numéros un de l’intersyndicale dont Frédéric Souillot pour FO. En soirée l’intersyndicale a confirmé. Elle appelle à des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end et à une nouvelle grande journée de grèves et manifestations le jeudi 23 mars prochain.
Le gouvernement l’a finalement dégainé, ce jeudi 16 mars, dès le début après-midi. La Première ministre, Elisabeth Borne, a engagé la responsabilité de son gouvernement sur le projet retraites et donc lancé la procédure du 49.3 devant l’Assemblée nationale.
Après l’accord obtenu le 15 mars en commission mixte paritaire (par dix voix pour et quatre contre) sur un texte commun aux deux assemblées et qui actait, entre autres, le recul à 64 ans de l’âge légal de départ en retraite et l’accélération du calendrier de l’allongement de la durée de cotisation, ce 16 mars au matin, le Sénat avait déjà adopté ce texte. Restait l’inconnue du vote, ou pas, à l’Assemblée. Fin du suspens : c’est donc le 49.3 que le gouvernement a choisi, lui qui depuis ces derniers jours était parti à la pêche aux voix, cherchant à obtenir une majorité sûre pour voter son projet dans la chambre basse. Or, le gouvernement n’avait toujours aucune certitude ce jeudi midi.
Pour rappel, en première lecture, l’Assemblée n’avait pas voté ni même examiné l’entièreté du texte. Le sénat, lui, l’avait adopté. En étant secoué toutefois dans ses rangs par une procédure déclenchée par le gouvernement. Celui-ci en effet voulant en finir avec l’examen des amendements afin que l’examen du texte aboutisse à un vote dans les temps avait dégainé l’article 44-3, soit un vote bloqué sur l’ensemble du texte.
Une réforme rejetée par les trois-quarts de la population
Le 15 puis ce 16 mars, après plusieurs réunions de crise au sommet de l’État - avec des responsables de la majorité gouvernementale puis avec des membres du gouvernement et la Première ministre, tout cela sous l’égide du président de la République-, un conseil des ministres extraordinaire a validé l’utilisation de la procédure constitutionnelle du 49.3. Concrètement, cela conduit à une adoption sans vote et sans débat de la réforme à l’Assemblée. Une réforme insérée au projet de loi de finances rectificative de la sécurité sociale. Un PLFRSS permettant au passage l’utilisation de l’article 47-1, soit de restreindre à 50 jours le temps total d’examen du texte par les deux assemblées.
Ce jeudi, cherchant à justifier l’utilisation du 49.3, le président de la République a déclaré : On ne peut pas jouer avec l’avenir du pays et en l’état, les risques économiques, financiers sont trop grands. Assertion démonté cependant depuis deux mois par des études, rapports et une palanquée d’économistes et non des moindres. Devant l’Assemblée, Elisabeth Borne déclarait de son côté : On ne peut pas prendre le risque de voir le compromis bâti par les deux Assemblées écarté. On ne peut pas faire de pari sur l’avenir de nos retraites. Argument toujours de l’urgence à réformer les retraites.
L’adoption du projet sur le mode passage en force ne signifie pas pour autant que cette réforme des retraites, rejetée par les trois quarts de la population et par 94% des travailleurs, a fini de faire parler d’elle et que le mouvement social prend fin. Au plan parlementaire, le dépôt de motions de censure est déjà annoncé ainsi que de possibles recours devant le conseil constitutionnel. Très évoquée aussi, l’éventualité d’un référendum d’initiative partagée (mesure inscrite dans la constitution depuis 2008). L’organisation d’une telle consultation - qui nécessite l’approbation d’un cinquième des membres du Parlement et le soutien sur signatures d’un dixième des électeurs-, bloquerait toute mise en œuvre de la réforme pendant neuf mois.
Loin de s’opposer, la démocratie représentative et la démocratie sociale peuvent et doivent se compléter
Quoi qu’il en soit, après la journée interprofessionnelle d’actions du 15 mars, cette journée du 16 n’efface en rien la détermination des travailleurs à combattre cette réforme injuste et brutale. Ainsi, dès ce jeudi en fin de matinée, les numéros un des huit organisations participant à l’intersyndicale, ainsi que les représentants des organisations de jeunesse, s’étaient donné rendez-vous devant l’Assemblée nationale. Objectif : faire une ultime déclaration solennelle exhortant une nouvelle fois les députés à se prononcer contre cette réforme. Comme vous, les valeurs démocratiques et les principes de la République nous habitent. Loin de s’opposer, la démocratie représentative et la démocratie sociale peuvent et doivent se compléter pour mieux prendre en compte les aspirations de nos concitoyens. C’est pourquoi l’intersyndicale vous demande avec force au nom de l’immense mouvement social et populaire opposé au recul de l’âge légal de départ en retraite de voter contre le projet de réforme indique entre autres cette déclaration commune. Mais avec l’utilisation du 49.3, les députés n’auront pas eu la liberté de se prononcer.
Devant l’Assemblée, protégée ce 16 mars façon Fort Knox sur un large périmètre, la déclaration de l’intersyndicale a été lue et les numéros un ont tenu une conférence de presse. Tandis qu’étaient tenus à distance par les forces de l’ordre, les militants des différentes organisations, dont ceux de FO (y compris des membres du bureau confédéral), venus participer à ce moment solennel et à la lecture de l’adresse faite aux députés devant siéger l’après-midi et se prononcer sur le texte.
A FO, nous disons : mobilisation jusqu’au retrait
Le secrétaire général de FO pointait le problème pour le peuple de la méthode choisie par le gouvernement pour l’examen de son projet retraites. Un projet qui passe comme cela avec tous les artifices constitutionnels pour bloquer le débat parlementaire, cela pose un problème crucial pour la démocratie. Mais, indiquait Frédéric Souillot 49.3 ou pas, cela ne change rien. A FO, nous disons : mobilisation jusqu’au retrait. Nous savons tous que beaucoup de lois ont été votées et pour autant certaines ont été retirées. La dernière en date, c’est le régime unique par point en 2020. Autre, exemple, le retrait du CPE en 2006.
La mobilisation se poursuit donc à travers les grèves, les blocages insiste Frédéric Souillot rappelant que FO avait appelé à des actions les 15, 16 et 17 mars. Beaucoup d’entreprises et d’administrations sont encore en grève, notamment les éboueurs. Et d’ailleurs le préfet de police a eu l’intelligence de ne pas procéder à des réquisitions ce matin.
Le combat contre cette réforme n’est pas terminé appuie le secrétaire général de FO, indiquant par ailleurs que l’organisation a d’ores et déjà pris rendez-vous avec des constitutionnalistes. L’objectif est de faire retirer ce projet de réforme injuste. La colère des travailleurs est là, elle nous est remontée du terrain. Elle est générée notamment par la manière qu’a eu le gouvernement d’encadrer le débat. Et c’est sans parler de ses mensonges. Ainsi sur les carrières longues où prétend le gouvernement, la durée de cotisation n’excéderait pas 43 ans. Or, il suffit de faire quelques additions pour démontrer le contraire.
Ce jeudi, nombre de manifestations et rassemblements avaient lieu en France en protestation de l’adoption du texte sur les retraites et qui plus est par un 49.3. A Paris, dans l’après-midi, une manifestation partie de la Sorbonne et composée de jeunes a rejoint la place de la Concorde où étaient déjà massés des manifestants, rejoints par d’autres présents au rassemblement près de l’Assemblée dans la matinée.
Dans la soirée, l’intersyndicale s’est réunie. Elle continue à exiger le retrait de cette réforme en toute indépendance dans des actions calmes et déterminées. Elle décide de poursuivre la mobilisation et appelle à des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end et à une nouvelle grande journée de grèves et manifestations le jeudi 23 mars prochain.
17 mars 2023
Valérie Forgeront
Journaliste à l’InFO militante