Une économie à bout de souffle pousse les travailleurs à accepter des emplois de plus en plus précaires, alerte l’Organisation internationale du Travail. Certains secteurs risquent une pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
Travailler plus pour gagner moins ? L’augmentation des inégalités causée par la crise du Covid-19 et l’essoufflement actuel de l’économie mondiale vont contraindre davantage de travailleurs à accepter des emplois mal rémunérés, précaires et dépourvus de protection sociale, selon le dernier rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), publié lundi. «Les prévisions de ralentissement de la croissance économique et de l’emploi en 2023 impliquent que la plupart des pays ne retrouveront pas complètement les niveaux d’avant la pandémie», souligne le directeur général de l’OIT, Gilbert Houngbo, dans la préface.
L’OIT prévoit également une légère augmentation du chômage mondial cette année, d’environ 3 millions de personnes, pour atteindre 208 millions (taux de chômage mondial étant de 5,8 %). Ces chiffres marquent une inversion de la courbe de baisse observée de 2020 à 2022. Toutefois, le chômage ne devrait rebondir que modérément cette année car une grande partie du choc est absorbée par la baisse rapide des salaires réels dans un contexte d’accélération de l’inflation, plutôt que par des suppressions d’emplois, explique l’OIT.
La croissance de l’emploi devrait nettement ralentir cette année, à hauteur de 1 % (contre 2,3 % en 2022), une importante révision à la baisse de 0,5 point de pourcentage par rapport à la projection précédente. «En raison du ralentissement de la croissance de l’emploi mondial, nous n’espérons pas pouvoir compenser les pertes subies pendant la crise du Covid-19 avant 2025», indique le directeur du département de la recherche de l’OIT et coordinateur du rapport, Richard Samans, dans un communiqué.
En outre, en raison de l’inflation, comme les prix augmentent plus vite que les revenus nominaux du travail, davantage de personnes risquent d’être précipitées dans la pauvreté, selon le rapport que l’OIT consacre chaque année à l’emploi. Cette tendance vient s’ajouter aux baisses importantes de revenus constatées pendant la crise du Covid-19.
Les raisons sont multifactorielles. De nouvelles tensions géopolitiques, le conflit en Ukraine, la reprise inégale après la pandémie et la persistance de goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales «ont créé les conditions d’un épisode de stagflation, conjuguant simultanément inflation élevée et faible croissance, pour la première fois depuis les années 1970», constate le rapport.
«Deux tiers des jeunes actifs dans le monde manquent des compétences de base»
Le rapport identifie par ailleurs une nouvelle mesure globale des besoins non satisfaits en matière d’emploi : «le déficit global d’emplois». En plus des personnes au chômage (205 millions en 2022), cette mesure inclut les personnes qui veulent travailler mais ne cherchent pas activement un emploi (268 millions), soit parce qu’elles sont découragées, soit parce qu’elles ont d’autres responsabilités, d’ordre familial par exemple.
L’an dernier, ce déficit mondial d’emplois s’élevait à 473 millions, soit plus qu’en 2019. Ce déficit d’emplois est particulièrement important pour les femmes et dans les pays en développement. «Le ralentissement actuel signifie que de nombreux travailleurs devront accepter des emplois de moindre qualité, souvent très mal payés, avec parfois des durées de travail insuffisantes», indique également l’OIT. Les 15-24 ans sont particulièrement confrontés à de graves difficultés pour trouver un emploi décent et le conserver. Leur taux de chômage est trois fois supérieur à celui des adultes.
Et malgré ce ralentissement général, certains pays et secteurs demeurent exposés à un risque de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. L’OIT demande donc une nette augmentation des investissements dans l’éducation et la formation alors que «deux tiers des jeunes actifs dans le monde manquent des compétences de base». Selon le rapport, la reprise du marché du travail après la crise du Covid-19 a été principalement alimentée par l’emploi informel. En 2022, environ 2 milliards de travailleurs occupaient un emploi informel et 214 millions de travailleurs vivaient dans l’extrême pauvreté (avec un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour), soit environ 6,4 % des actifs occupés.
Source LIBÉRATION et AFP