Fonction publique : condamnation pénale ne vaut pas révocation
La cour administrative d'appel de Marseille vient d'annuler la sanction de révocation prononcée à l'encontre d'un fonctionnaire qui avait, précédemment, été condamné au pénal pour des faits de harcèlement moral à l'encontre d'une agente avec qui il avait entretenu une relation amoureuse. Les faits en cause “ne peuvent être regardés comme révélant un comportement général et durable” de ce fonctionnaire “mais sont liés à un épisode ponctuel”, ont estimé les juges, en pointant une sanction disproportionnée.
Un fonctionnaire condamné au pénal pour harcèlement à l'encontre d'une agente avec laquelle il a entretenu une relation amoureuse peut-il se voir infliger une sanction de la part de son administration ? Oui, mais la sanction de révocation peut-être hors de proportion au regard des fautes reprochées, vient d'affirmer la cour administrative d'appel de Marseille dans un arrêt du 20 janvier.
L'affaire portait sur le cas d'un inspecteur de l'éducation nationale condamné en février 2021 par le tribunal correctionnel de Bastia à six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de “harcèlement moral, propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail pouvant attenter aux droits, à la dignité, à la santé ou l'avenir professionnel d'autrui”. À la suite de sa condamnation, en juillet 2022, le ministre de l'Éducation nationale avait prononcé sa révocation. Une sanction contestée par ce fonctionnaire. Son recours ayant été rejeté en première instance par le tribunal administratif de Bastia, il avait donc décidé de faire appel. La cour administrative d'appel de Marseille lui donne aujourd'hui raison et annule sa révocation.
Sanction hors de proportion
Pour le révoquer, l'administration s'était fondée sur le fait qu'il avait été reconnu coupable par le juge judiciaire de faits qualifiés de harcèlement moral, mais aussi qu'il avait manqué à son devoir d'exemplarité, eu égard à ses fonctions d'encadrement et à sa qualité de supérieur hiérarchique direct de la victime. Il lui était aussi reproché d'avoir porté atteinte à la considération du corps des inspecteurs de l'éducation nationale ainsi qu'à l'image de l'institution.
Dans le détail, cet inspecteur avait été éconduit par une enseignante avec laquelle il avait entretenu une relation amoureuse et qui était affectée dans le ressort de la circonscription où il était investi des fonctions d'inspecteur d'académie. Après cela, il avait adressé à cette dernière de nombreux messages insultants, menaçants, haineux ou consistant en des menaces de suicide. Des faits qui ont donné lieu au dépôt de plusieurs plaintes puis à la condamnation de l'intéressé. “Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la sanction prise à son encontre reposerait sur des faits matériellement inexacts”, expliquent les juges.
“En revanche”, poursuivent-ils, les faits en cause “ne peuvent être regardés comme révélant un comportement général et durable” du requérant, “mais sont liés à un épisode ponctuel”. Ce dernier, expliquent-ils par ailleurs, soutient “sans être contredit” avoir connu un passage dépressif sévère et avoir été suivi médicalement et psychologiquement. Rappelant que le juge pénal n'a prononcé aucune interdiction d'exercer ses fonctions, la cour administrative d'appel estime que la sanction de révocation prononcée à son encontre était donc, “dans les circonstances de l'espèce”, “hors de proportion au regard des fautes reprochées”. Sa révocation est ainsi annulée.
30 janvier 2025
Bastien Scordia
pour ACTEURS PUBLICS