Le tribunal administratif de Melun vient d'annuler une partie du nouveau règlement sur le temps de travail d’une collectivité. Celui-ci prévoyait des jours de congés supplémentaires pour certains de ses agents en raison de “sujétions particulières pour pénibilité”. Or selon les juges, ces sujétions renvoient à des facteurs de risques professionnels et non à des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail en résultant.
Une jurisprudence de plus sur le temps de travail des agents territoriaux, les 1 607 heures annuelles étant obligatoires dans la fonction publique territoriale depuis 2022. Par un jugement rendu le 14 novembre, le tribunal administratif de Melun vient d'annuler une partie du nouveau règlement sur le temps de travail au sein de la commune de Bonneuil-sur-Marne.
Les juges avaient été saisis par la préfète du Val-de-Marne, qui contestait la légalité d’une délibération du conseil municipal de cette commune relative à la prise en compte des “sujétions particulières” des agents territoriaux pour réduire leur temps de travail. Comme prévu par les dispositions statutaires, la durée annuelle de travail de ces agents peut être réduite “par décision expresse de l'organe délibérant de la collectivité”, pour tenir compte de certaines sujétions.
Les juges précisent que “de tels régimes présentent, toutefois, un caractère dérogatoire et ne peuvent être justifiés que par des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent”.
6 jours de congés compensatoires pour tous les agents
“Ainsi, le législateur n'a pas entendu permettre la réduction du temps de travail pour tout agent soumis à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles d'avoir un impact sur sa santé physique ou psychologique dès lors que de tels facteurs de risque existent pour toutes les fonctions pouvant être exercées au sein de la fonction publique territoriale”, explique le tribunal. Et d'ajouter que “la notion de sujétions vise seulement à protéger certaines catégories d'agents soumises à des contraintes professionnelles particulières”. Une lecture que les juges ont entendu appliquer dans l'affaire en question.
La commune de Bonneuil-sur-Marne avait mis en place un régime de travail spécifique prévoyant notamment le bénéfice de 6 jours annuels de congés compensatoires pour les agents affectés sur l'un des 10 emplois listés “pour lesquels sont énumérées des sujétions particulières pour pénibilité”. Mais pour les juges, et comme le soutenait aussi la préfète du Val-de-Marne, les différentes catégories d'emplois listées dans la délibération de la commune étaient “définies par référence à une ou plusieurs missions très générales et ne permettant pas de déterminer les postes concernés”. Ce qui conduisait ainsi à octroyer 6 jours annuels de congés compensatoires à l'ensemble des agents de la collectivité.
Généralisation d’un régime dérogatoire
Certaines de ces “sujétions particulières pour pénibilité” renvoyaient par ailleurs à “des facteurs de risques professionnels et non à des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail en résultant”, explique le tribunal. Il en était ainsi notamment du “travail continu sur ordinateur”, du “stress lié aux obligations de résultat et de délais contraints”, du “stress lié à la gestion de conflits d'intérêts et de comportement entre agents, à l'accompagnement des équipes dans la conduite de changement” ou encore des “contraintes liées à la continuité de service”.
“Par suite, concluent les juges, la délibération en question généralise et uniformise l'application d'un régime prévu comme dérogatoire” et méconnaît les dispositions statutaires relatives au temps de travail dans la fonction publique territoriale. Le tribunal annule donc la délibération en question.
20 novembre 2024
Bastien Scordia
pour ACTEURS PUBLICS