Le cadre juridique de la protection fonctionnelle s'élabore au gré des décisions de justice. Les agents tentent de l'obtenir, même si les collectivités territoriales le refusent parfois, ce qui donne lieu à la saisine régulière du juge administratif. Notre juriste, Géraldine Bovi-Hosy, propose de décrypter deux situations pratiques.
L’agent doit être visé en tant qu’agent public
La première affaire concerne un sapeur-pompier volontaire, victime d’un vol dans les vestiaires de ses effets personnels, dont les clés de son véhicule, puis de son véhicule, garé à proximité des locaux du Sdis ainsi que du matériel photo qui s’y trouvait. Les faits ont lieu sur le lieu de travail et pendant le temps de service.
Estimant être victime d’attaques à l’occasion ou du fait de ses fonctions, il réclamait la prise en charge des préjudices qu’il avait subis du fait du vol. Le Sdis a refusé et l’agent a saisi le tribunal administratif. Il a été débouté en première instance, en appel (CAA Bordeaux, 17/12/2021 n°19BX04942) et s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’État (CE 15 février 2024, n°462435), s’agissant d’un sapeur-pompier volontaire, rappelle l’existence de l’alinéa 2 de l’article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure reconnaissant l’existence de la protection fonctionnelle au profit des sapeurs-pompiers volontaires.
Cependant, le juge administratif estime que le vol n’avait pas pour objectif de lui porter atteinte en sa qualité de sapeur-pompier volontaire, même si ce délit avait été commis sur les lieux du service et pendant les heures de service.
Il s’agit de l’application d’une jurisprudence constante qui précise que la protection fonctionnelle ne peut être octroyée que si l’agent a fait l’objet d’une attaque en raison de ses fonctions ou de sa qualité de fonctionnaire ou d’agent public (CE, n°260617, 9 mai 2005, CAA Bordeaux, 9 décembre 2015, n°14BX02427).
Il est à noter que le sapeur-pompier volontaire mettait également en avant, pour justifier la prise en charge, un défaut de sécurisation des lieux ou une négligence dans l’organisation du service de nature à engager la responsabilité du Sdis (absence de sécurisation des fenêtres et d’éclairage extérieur alors même qu’un précédent vol avait eu lieu et qu’aucune mesure correctrice n’avait été prise).
Il avait été débouté par le tribunal administratif ce qu’avait confirmé la cour administrative d’appel. Cependant, sur ce point, le Conseil d’État n’est pas d’accord et sollicite un renvoi devant une nouvelle cour administrative d’appel.
Les collectivités territoriales doivent donc être vigilantes concernant la sécurisation des effets personnels déposés dans leurs locaux par les agents.
Un accident ne vise pas l’agent public
La seconde affaire n’a pas fait l’objet d’une décision de justice mais concerne le cas d’un agent de police municipale intentionnellement renversé par un automobiliste dans le cadre de refus d’obtempérer.
Lorsque l’auteur est condamné à verser des dommages et intérêts à l’agent victime, mais qu’il n’est pas en capacité de le faire, cet agent peut solliciter la prise en charge de l’indemnisation par la collectivité territoriale au titre de la protection fonctionnelle.
L’article L. 134-5 du code général de la fonction publique dispose que « la collectivité publique est tenue de protéger l’agent public contre les atteintes volontaires à l’intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».
Un agent de police municipale a sollicité de sa commune la prise en charge de l’indemnisation accordée par le tribunal et s’est vu objecter que la protection fonctionnelle n’intervenait pas en cas d’accident de la route.
Il résulte effectivement de l’article L. 134-5 du code général de la fonction publique que les textes excluent expressément les atteintes involontaires du champ de la protection fonctionnelle.
Toutefois, dans l’hypothèse d’un agent heurté intentionnellement par l’auteur d’un refus d’obtempérer, c’est sous la qualification de violences volontaires contre personne dépositaire de l’autorité publique avec arme par destination (la voiture) que les faits sont généralement caractérisés. Dans cette optique, il s’agit bien d’« attaques » telles qu’elles sont visées par l’article L. 134-5 du code général de la fonction publique.
Il importe donc, dans ces cas-là, que, lors de sa demande de prise en charge par la collectivité territoriale, l’agent mette en avant la qualification pénale qui a été retenue par le tribunal qui a condamné l’auteur à des dommages et intérêts. Devant une telle qualification, la collectivité territoriale ne devrait pas refuser d’indemniser l’agent. Si tel devait toutefois être le cas, un recours devant le tribunal administratif s’imposerait.
Il est rappelé que la collectivité territoriale bénéficie ensuite de la subrogation complète dans les droits de la victime afin de réclamer les sommes versées à l’auteur de l’infraction.
1er août 2024
Géraldine Bovi-Hosy
pour La Gazette des Communes