La Covid-19 a précipité un recours massif au télétravail. Sa normalisation s'accompagne désormais d'un effort d'encadrement.

Le 12 juillet dernier, un accord-cadre sur le télétravail a été conclu entre la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, l'Association des maires de France (AMF) et les syndicats d'agents.

Cet accord a inspiré un décret et un arrêté du 26 août 2021. Retour sur leurs grandes lignes en 10 questions-réponses.
 

1. Le télétravail repose-t-il sur le volontariat des agents ou les maires peuvent-ils les y contraindre ? 

Selon le décret n° 2016-151 du 11 février 2016, « l'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent ». L'accord-cadre du 12 juillet 2021 va dans le même sens en énonçant que « le cadre réglementaire fonde le recours au télétravail sur une demande volontaire de l'agent et l'accord de sa hiérarchie ». Le télétravail contraint est prévu « en cas de circonstances exceptionnelles » et l'article L.1222-11 du code du travail parle « notamment [de] menace d'épidémie, ou [de] cas de force majeure ».
 

2. La collectivité peut-elle refuser une demande de télétravail ?

Hors cas extraordinaires, la demande de télétravail est instruite « à un rythme régulier défini dans les accords locaux », note l'accord-cadre. « Une réponse écrite est donnée à la demande de télétravail dans un délai d'un mois. » Le rejet d'une requête doit « être motivé et précédé d'un entretien ». L'accord-cadre ajoute que « l'agent peut saisir la CAP ou la CCP compétente [ndlr : Commission administrative paritaire et Commission consultative paritaire] ». Il lui sera toutefois difficile d'obtenir gain de cause si sa présence physique est indispensable aux tâches qu'il doit accomplir.
 

3. Combien de jours un agent peut-il consacrer au télétravail chaque semaine ?

Selon le décret du 11 février 2016, « la quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine ». Seules les femmes enceintes ne sont pas concernées par ce plafond. Pour elles, l'accord-cadre prévoit que « l'autorisation pourra être donnée sans avis préalable du médecin du travail ». Il préconise aussi d'étendre cette dérogation aux proches aidants qui s'occupent d'une personne handicapée. En fait, peu d'agents réclament plus de trois jours de télétravail. « Ils sont bien contents d'être revenus au travail », assure ainsi la maire de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire, 17 897 habitants), Marie-Claude Jarrot.
 

4. Qui fournit les outils numériques ? 

Le décret du 11 février 2016 affirme que « l'employeur prend en charge les coûts découlant directement de l'exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, ainsi que de la maintenance de ceux-ci ». L'accord-cadre cite aussi « le matériel bureautique, l'accès aux serveurs professionnels, les messageries et les logiciels métiers ». À ce principe simple correspond une réalité contrastée. « Les employeurs territoriaux ont souvent des craintes sur la mise en place technique et les coûts que cela va engendrer », alerte Murielle Fabre, maire de Lampertheim (Bas-Rhin, 3 351 habitants), et co-présidente de la commission fonction publique territoriale de l'AMF. « On a préconisé un accompagnement financier pour les communes qui manquent de moyens. »
 

5. Le télétravail s'effectue-t-il à domicile ou dans des tiers-lieux ?

Le lieu du télétravail est assez libre, tant que la sécurité et la confidentialité peuvent être garanties. La loi permet de l'organiser « au domicile de l'agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel ». L'employeur peut mettre à la disposition de ses agents un tiers-lieu, c'est-à-dire un espace de télétravail partagé, auquel cas il le prendra en charge. Ce ne sera pas le cas si c'est l'agent qui a choisi ce tiers-lieu.
 

6. Les accidents survenant pendant le télétravail sont-ils reconnus comme accidents de travail ? 

Un agent dispose de la même couverture contre les risques liés à son métier qu'il occupe ses fonctions au bureau ou chez lui, pour peu que l'accident soit survenu pendant ses heures de travail. Cela vaut aussi pour les mésaventures sur le trajet avec le lieu de télétravail ou avec le lieu de restauration habituel.
 

7. Qu'en est-il du droit à la déconnexion ?

L'accord-cadre prévoit que l'employeur fixe, en concertation avec l'agent, « les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter, en cohérence avec les horaires de travail en vigueur dans le service ». En dehors de celles-ci, l'agent ne commet pas de faute s'il reste injoignable.
 

8. Une formation spécifique au télétravail est-elle possible ? 

« La formation à l'impact du télétravail des encadrants et des agents télétravailleurs et non télétravailleurs doit être garantie », fixe l'accord-cadre. Il est pourtant encore rare de voir un tel dispositif. « Tout le monde cherche à s'organiser, mais on n'en est pas encore là », admet Christophe lacobbi, maire d'Allons (Alpes-de-Haute-Provence, 138 habitants) et membre de la commission Ressources humaines de l'AMF. « Des formations au numérique existent déjà mais elles doivent être renforcées », complète Murielle Fabre.
 

9.  Les agents en télétravail bénéficient-ils d'une indemnité ? 

Pour compenser les dépenses d'un agent chez lui ou dans un tiers-lieu, l'accord-cadre et l'arrêté du 26 août 2021 prévoient une indemnité de 2,5 € par jour de télétravail, sans seuil de déclenchement, dans la limite d'un montant de 220 € annuels. « La mise en oeuvre de l'indemnisation s'inscrit dans le cadre du principe de libre administration des collectivités territoriales », est-il toutefois précisé. C'est dire qu'elle suppose négociation et délibération.
 

10. Comment protéger les données personnelles des agents en télétravail ?

Les collectivités doivent assurer la protection des données personnelles de leurs agents en télétravail. « Cela va de pair avec la dématérialisation, et ce sont donc les grandes collectivités qui sont les plus avancées en la matière, pointe Murielle Fabre. Ailleurs, il n'y a pas forcément l'ingénierie nécessaire. »
 

Le calendrier de mise en oeuvre 
L'accord-cadre n'a pas de valeur contraignante. Il s'agit d'un socle à partir duquel les collectivités vont conclure un accord local. Les employeurs territoriaux « doivent lancer une concertation sur le télétravail avant la fin de l'année, observe Murielle Fabre. La délibération pourra toutefois intervenir plus tard. »

Servan Le Janne
pour Le Journal des Maires