Au 1er janvier 2011, le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France (SEDIF) a confié à la société Veolia Eau d’Ile-de-France (VEDIF), la gestion du service public de production, de transport, de sécurité, de stockage et de distribution de l’eau potable sur le territoire, de l’ensemble des collectivités membres du SEDIF, par contrat de délégation de service public (DSP).
Le contrat qui devait arriver à son terme au 31 décembre 2022, a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2024. Un appel d'offres en vue de conclure un nouveau contrat de délégation de service public d’exploitation de son service d’eau potable applicable au 1er janvier 2025, a été lancé.
Le 25 janvier 2024, le SEDIF a choisi d’attribuer le nouveau contrat à VEOLIA pour la période du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2036. Il a été signé le 16 mars 2024. Le contrat prévoit la création d’une société dédiée, la société FRANCILIANE, distincte de la société VEDIF, pour en assurer la gestion.
Une concertation nécessaire
Les procédures d’information/consultation du CSE VEDIF relatives au projet de transfert des contrats de travail des collaborateurs de la société VEDIF vers la société FRANCILIANE, en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail, et sur le projet de mise en place de l’organisation fonctionnelle de la société FRANCILIANE à compter du 1er janvier 2025, ont débuté le 2 mai 2024 avec comme conclusion, un recueil d’avis au 12 juillet 2024.
Afin de rendre un avis éclairé sur ces projets, les élus Force Ouvrière ont participé à 6 journées de réunions CSE avec à l’ordre du jour, 510 questions posées sur la totalité de la procédure. Les élus ont été accompagnés par leur cabinet d’expertise OSCEA pour rendre un avis des plus complets et ne rien omettre. La CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail) a pu également se réunir et rendre un rapport pour apporter son expertise sur ces sujets.
A l’issue de ces nombreuses heures de réunions, d’analyses de documents, de rendez-vous avec les experts, les élus FO ont rendu un avis défavorable motivé à la majorité ; les élus CGT refusant de participer au vote.
Les points d’alerte soulevés :
Modification et disparition de plusieurs métiers (certains contrats de travail de salariés sont avenantés) ;
Incidences sur les conditions d’exercice de l’astreinte, moyens des IRP (instances représentatives du personnel), organisations du travail et conditions de santé et sécurité en usines, etc...
Les négociations ne débutent qu’en septembre.
Le nouveau contrat a été gagné à un prix très élevé pour l’entreprise et pour les salariés. Il prévoit le financement, pour environ 1 milliard d'euros, la construction d’ici au second semestre 2032 de deux investissements majeurs basés sur la technologie innovante de « l’OIBP » (Osmose Inverse Basse Pression), mais pour lesquels le SEDIF ne s’est engagé que sur un remboursement de 800 M€, faisant donc porter à FRANCILIANE, seule, les risques de surcoûts liés à d’éventuels dérapages dans leur réalisation.
Une rentabilité très faible voire trop faible
Le contrat proposé étant assis sur une refonte en profondeur du fonctionnement de l’entreprise et une modification des lieux de travail pour gagner en productivité, il est impacté par les charges financières liées aux emprunts contractés pour ces investissements et il prévoit de nombreuses pénalités liées à la non-obtention des indicateurs de performance, au non-respect des obligations contractuelles, à la non-exécution des travaux de renouvellement au rythme prévu.
Sur la durée du contrat, la contribution moyenne de la participation est estimée à un niveau très inférieur à la contribution du contrat actuel laissant entrevoir une participation par salarié redistribuée extrêmement faible. Par ailleurs, l’économie du contrat laisse présager également une très forte érosion concernant l’intéressement.
Un nombre d’emplois en baisse sur la durée du contrat au regard de la baisse de la masse salariale attendue
Un effet de Noria est prévu et nous interroge sur les positionnements des futurs embauchés mais également sur l’avenir des postes de travail occupés par les 136 salariés ayant déjà plus de 60 ans à fin décembre 2023.
Environ 100 salariés subiront une augmentation importante de leur temps de trajet et certains devront déménager et/ou adapter leur vie privée à la fermeture de nombreux sites actuels. Sur certains sites, le nombre de salariés va fortement augmenter nécessitant des adaptations non prévues à ce jour.
La mise en place du concept de « Flex Office » envisagé sur certains sites, rendra l’environnement de travail impersonnel, entraînera des risques d'isolement, de déshumanisation de l’espace de travail et des difficultés de concentration pour les salariés.
L’embauche directe sur les chantiers, sans passage par le centre de travaux, entraîne des manquements en termes d’hygiène et de sécurité pour le personnel. Les élus sont inquiets de l’isolement des salariés ainsi que d’une possible rupture avec le management de proximité.
Certains sous-projets insuffisamment développés dans le cadre de cette consultation devront faire l’objet de consultations spécifiques : organisation de la logistique, embauches sur chantiers, organisation du travail dans les nouveaux locaux, intervention du quart d’heure…
Désormais, nous entamons la phase d’entretien pour les 1300 salariés afin de débuter le raccordement aux nouvelles fiches métiers.
Les négociations de l’ensemble de nos accords débutent dès juillet et nous n’excluons pas d’entamer des mouvements de grève suivant les avancées.
Iléo, de rudes négociations avant un accord
Du côté de VEOLIA, c’est la société Iléo S.E.M.E.L (distributeur de l’eau potable pour la Métropole Européenne de Lille) à nouveau délégataire depuis le 1er janvier 2024, qui fait son actualité. En effet, en juin 2023 c’est un mouvement de grève qui a rassemblé les salariés pour ne pas entrer dans l’Unité Économique et Sociale (U.E.S) de VEOLIA Eau, en vain. La société s’est alors inscrite dans un dialogue social national et/ou régional en lieu et place d’une société dédiée hors U.E.S.
Un chemin fastidieux. Une campagne électorale régionale et non plus locale a été menée pour faire connaître Force Ouvrière, inconnue sur le territoire des Hauts-de-France, accompagner les salariés vers la fin du contrat et répondre à leurs questionnements. FO a obtenu des postes au CSE de la région grâce aux votes des salariés et les délégués syndicaux ont pu participer aux négociations régionales du volet social (historiquement celui de SUEZ à travers la société des Eaux du Nord jusqu’en 2015).
Ainsi, l’accord de raccordement et substitution a été signé fin juin 2024, offrant une pérennité des acquis au travers de la notion de groupe fermé avec, sur certains points, des améliorations, même s’il a fallu parfois faire des concessions... Suite à ces rudes négociations, les salariés Iléo ont donné mandat à Force Ouvrière en vue de la signature de cet accord.
La Tribune n° 400
Septembre 2024